[F.] Extrême-droite

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Les organisations d'extrême-droite ont été parmi les plus actives dans la diffusion de leur propagande par le son enregistré. Leur discographie débute en 1910, dans le sillage de celle du Parti socialiste. L'Action française (AF), un mouvement royaliste, nationaliste, catholique et antisémite fondé en 1899, se dote d'une série de disques de chants royalistes publiés par l'Association phonique des grands artistes (APGA), une maison de disques généraliste ayant alors déjà publié une série de chants socialistes.

Tout comme la propagande sonore socialiste, celle de l'AF semble entrer en sommeil jusqu'en 1929. Un premier disque sans marque est édité pour propager la "Chanson de M. de Charrette", un classique des chants royalistes, et l'hymne des Camelots du roi, le groupe d'action et de propagande de l'AF. À partir de 1932, l'homme de théâtre Jacques Hébertot commence la publication de nombreux enregistrements royalistes sous la marque, auparavant généraliste, Disques Hébertot. Proche de Léon Daudet, une des principales figures de l'AF, Hébertot construit d'abord un catalogue de chants et de discours royalistes, avant de l'ouvrir à la propagande d'autres organisations de droite et d'extrême-droite, notamment membres du "Front national" formé dans à la suite des émeutes du 6 février 1934. L'arrivée au pouvoir du Front populaire en 1936 voit l'arrêt du catalogue Disques Hébertot (il revient en 1938 sous la marque "National"), mais aussi la publication d'un disque à l'occasion de la fondation du Parti populaire française de Jacques Doriot sous la marque "France-Libère-Toi".

Durant l'Occupation, Pathé, la principale maison de disques française, publie des messages du Maréchal Pétain et des éditoriaux prononcés au micro de Radio Paris par le collaborateur Philippe Henriot. Ces disques de propagande seront repris par la Société d'études et de relations publiques (Serp), co-fondée en 1963 par Jean-Marie Le Pen et dirigée par ce dernier jusqu'au milieu des années 1980. Principale maison de disques à l'extrême-droite après-guerre, la Serp édite jusqu'en 2000 de nombreux disques "historiques" composés de matériaux de propagande nazi, fasciste, royaliste, collaborationniste, colonialiste, ou franquiste. Ils voisinent dans son catalogue avec des disques de musique militaire, de chansons d'extrême-droite, ou de disques aux thématiques moins sulfureuses, voire de gauche, donnant une apparence de normalité à la production de la Serp. Avant et après la fondation du Front national (FN), que Le Pen préside dès sa création en 1972, la Serp sert de base logistique aux aventures politiques de son patron (campagne Tixier-Vignancour, formation interne des militants et des cadres du FN, opérations de communication au cours des années 1990) tout au long de son existence. Elle apparait donc comme un relai culturel et mémoriel majeur des idéologies d'extrême-droite en France des années 1960 à 1990.

La Serp n'est cependant pas la seule maison d'édition phonographique à l'extrême droite pour cette période. Saint-Urbain édite dans les années 1960 des disques autour du catholicisme intégral de Charles Maurras. Le Parti des forces nouvelles, formation adversaire du jeune FN, publie également un disque en 1976. Dans les années 1990, les Éditions Nationales produisent des cassettes de discours de Jean-Marie Le Pen à l'approche des élections européennes de 1994 et présidentielles de 1995. D'autres maisons produisent des albums de Rock identitaire français, dont les groupes se revendiquent de diverses tendances de l'extrême-droite sans toujours affirmer leur préférence pour un parti.

Les années 2010 voient apparaître des maisons dont la production rappelle celle de la Serp. Pierre Sidos, collaborationniste, ancien membre de l'OAS, fondateur de L'Œuvre française et figure de l'extrême-droite d'après-guerre, fonde Semis Diffusion, qui reprend une partie du catalogue de la Serp, et propose des disques de chants révolutionnaires communistes ou mexicains, ainsi que des films de Leni Riefenstahl, et des documentaires sur le fascisme ou l'entourage de Sidos. La "Société de Diffusion du Chœur Montjoie-Saint-Denis" reprend quant à elle des enregistrements effectués par le chœur pour la Serp dans les années 1980 et poursuit sa discographie.

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