[C.2.] Ersa [1930-1935]

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Ersa est une entreprise d’édition phonographique ayant conçu et vendu des disques pour la propagande du parti socialiste SFIO entre 1929 et 1935. Elle est créée à l’initiative d’Adéodat Compère-Morel (1872-1941), directeur du journal quotidien socialiste Le Populaire, et de Jean-Lorris (Léon Leroy, 1879-1932), ancien patron de la société Science nouvelle et ses applications pratiques (Snap), une entreprise de production de postes de TSF et de petit électroménager.

L’acronyme « Ersa » désigne deux appellations successives. L’entreprise est d’abord enregistrée au registre du commerce le 6 février 1930 par Jean-Jacques Compère-Morel (1904), fils d’Adéodat Compère-Morel, sous le nom « Étoile rouge S.A. ». Le 14 mai 1930, Jules Poitevin (1887-1975) l’enregistre une seconde fois sous le nom « Étoile radieuse S.A. ». Ce changement de nom et de fondateur déclaré est probablement motivé par des soupçons, émergeant au printemps 1930, d’instrumentalisation d’Ersa au bénéfice personnel d’Adéodat Compère-Morel. En effet, n’étant pas un organe de la SFIO, son contrôle échappe au parti et rend possible que celui-ci ne soit pas le seul bénéficiaire du commerce ou de la puissance de propagande de l’entreprise. Ersa dépend cependant du dispositif de propagande socialiste. La promotion et la vente de ses disques est largement assurée par Le Populaire moyennant un accord commercial dont le produit soutient par ailleurs les mauvaises finances du journal. Une boutique située au 14 boulevard des Filles du Calvaire, à Paris, vend les disques socialistes ainsi qu’une sélection de disques généralistes.

Compère-Morel et Jean-Lorris sont des propagandistes aguerris, ayant notamment dirigé et collaboré à l’Encyclopédie Socialiste, Syndicale et Coopérative de l’Internationale Ouvrière entre 1911 et 1921. Avec Ersa, ils comptent moderniser l’appareil de propagande vieillissant, peu efficace, et basé sur l’imprimé, de la SFIO. De fait et jusqu’en 1932, les premières années d’Ersa sont celles d’une production discographique intense, structurée en séries cohérentes, bien diffusée dans les sections et chez les militants. Le Populaire publie de nombreuses publicités détaillant l’offre du disque socialiste, définissant ses usages, et prenant argument de l’imaginaire de la puissance politique du disque et du son enregistré. Alors que les années 1930 voient l’explosion et la généralisation de la propagande politique par le disque, Ersa apparait comme l’entreprise la plus active dans ce domaine, tant sur le plan de l’enrichissement du catalogue que sur celui de ses usages.

Axé sur la propagande-éducation longtemps pratiquée par Compère-Morel et Jean-Lorris, le disque socialiste fait d’abord entendre des discours des cadres de la SFIO. Par la suite, il fait une large place à la musique. Discours et chants doivent améliorer la connaissance qu’ont les militantes et les militants de l’histoire et de la doctrine socialistes, mais aussi séduire les sympathisants ou les membres d’autres organisations politiques. Ersa doit ainsi faire rayonner la SFIO au sein de la gauche, en s’adressant notamment aux militants de la CGT ou du Parti radical. Engagée dans la formation militante et le recherche de l’expansion des effectifs du parti, sa production d’avant 1932 prépare les élections législatives à moyen-terme, tout en s’offrant comme moyen d’agitation électorale.

La mort de Jean-Lorris en 1932 coupe cependant l’élan de la maison de disques, désormais dirigée par Madeleine-Lorris, veuve de Jean-Lorris. Les années suivantes, sa production est réduite à presque rien : seulement six disques en 1934. Ersa est déclarée en faillite en juillet 1935. Son catalogue continue toutefois d’être exploité sous le nom de « La Voix des Nôtres », première série d’Ersa et emblème du disque socialiste des années 1930. « La Voix des Nôtres » figure au registre du commerce en 1936 et produit le catalogue discographique socialiste après la victoire du Front populaire. Elle fait l’objet d’une collection dédiée dans PS.XX.

Publiées en 1930 et 1931, trois des quatre séries Ersa sont renseignées dans la présente collection, chacune faisant l’objet d’une sous-collection dédiée. Outre « La Voix des Nôtres », « Les Chants du Monde du Travail », et « Hier et Demain », une quatrième sous-collection renseigne, parmi les disques sélectionnés par Ersa pour être vendus en marge de sa propre production, ceux qui revêtent le caractère politique le plus explicite. La quatrième série Ersa, « La Voix du Travail », publiée à destination des membres de la CGT, est renseignée dans la collection « Syndicalisme » de PS.XX.

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